Cette poste figure sur nos listes d'objectifs faciles à attaquer.
Ricci tente ailleurs une observation-attaque. Ce mardi 28 novembre est consacrée aux virtuosités solitaires.
Je me mets en observation vers les 18 heures. A cette époque, il fait déjà nuit et un froid glacial chasse les gens chez eux. Vêtu d'un Belstaff noir, comparable au treillis de camouflage de l'armée, je me couche sur un terre-plein dominant le bureau de poste. De là, je peux observer le moindre geste des occupants. Vers les 19 heures, les employés sortent. Reste le couple de postiers. La femme sort, l'homme se lave encore les mains et vérifie une dernière fois son coffre. Il a l'air d'y être attaché. Il cache une clé dans la poche arrière de son pantalon et vient vers les fenêtres. Soupçonneux, il regarde dehors.
Personne.
Il retourne aux guichets contrôler les caisses. Je sens que le moment est propice. Je vais m'accroupir derrière la porte, sous l'œilleton. Par le trou de la serrure, je vois s'approcher le postier. Il s'arrête devant la porte et procède à une dernière vérification avant de sortir. Mais l'angle défavorable de l'œilleton l'empêche de m'apercevoir. La clé entre dans la serrure et la porte s'ouvre. Je lui bondis dessus, arme au poing, habits et cagoule noirs. Surpris, le postier me jette son trousseau de clés à la tête et crie :
- Salaud, salaud !
Puis subitement, il perd son souffle. Pour le calmer, je lui ordonne de se coucher à terre. Pendant quelques minutes, il récupère au sol, haletant.
- Les clés du coffre !
- Je ne les ai pas ! Regardez mon trousseau, c'est pas moi qui ai les clés, c'est un collègue, me répond le postier.
Cette fois, je ne suis pas dupe. Hier, on s'est fait baiser. Ce ne sera pas le cas aujourd'hui.
- Faut pas jouer au plus malin ! Tu as la clé du coffre dans la poche arrière de ton pantalon. Alors, pas de bêtise. Tu ouvres le coffre, et sans alarme, sinon gare à toi !
Le postier n'en revient pas. Son agresseur connaît son subterfuge. Vaincu, il s'exécute. Il cherche néanmoins à me fausser compagnie lorsque nous traversons un rideau transparent en plastic. Je grogne :
- Les balles passent à travers.
Il prend mon avertissement au sérieux et ouvre le coffre. Puis je l'oblige à se coucher.
Je vide le coffre - plus de 100'000 francs - et prends même la monnaie, pour les cabines téléphoniques. Le postier me regarde avec une haine totale. Lui qui, pendant des années, a respecté l'argent des Postes, voit un jeune gangster s'en emparer en quelques secondes. Il se retourne toujours, pour me surprendre.
- A plat ventre ! On n'est pas au cinéma.
J'en termine rapidement.
Pour retarder le moment de l'alarme, je sors avec le postier et l'oblige à s'éloigner de son office pendant que je cours à travers les vignes vers la voiture parquée deux cents mètres au-dessus.
Cette opération-éclair fut menée sans bavure. J'étais à l'abri, financièrement, pour quelques mois, et pouvais réfléchir sur ma nouvelle situation.
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